Extrait
Du Sang Dans les Pétunias
(42 nuances de rouge, épisode 1)
Chapitre 1
Zut, je vais être en retard. J’ai beau tenter de remettre mes cheveux en place, j’ai toujours un foutu épis qui se dresse sur ma tête. Plus de gel, ni de laque. Et je n’ai vraiment pas le temps de me laver les cheveux, de les sécher et de les recoiffer. Ah, être une fille est si dur parfois. J’aimerais pouvoir me raser le crâne, mais ça ferait trop rebelle. Je n’ose pas. Je pouffe en imaginant la tête de mon papa s’il m’avait vue le crâne rasé. Je me souviens encore de la colère qui s’était abattue sur ma mère après ma première visite chez le coiffeur à l’âge de 12 ans…
Je me regarde dans le miroir, les lèvres pincées. 23 ans, de grands yeux bleus, un visage d’une blancheur spectrale encadré de longs cheveux bruns foncés coupés en frange pour couvrir mon front que j’ai toujours trouvé trop grand. On me dit jolie, mais je suis complexée par mes fesses un peu trop rebondies et mes seins qui ne le sont pas assez. Encore une, me direz-vous ! Je suppose que je suis banale. Je frémis à cette pensée, fais la grimace à mon image dans le miroir et, excédée, me tire la langue.
Bon, c’est pas tout mais il faut que j’y aille. Dans deux heures j’ai rendez-vous avec John Big, le puissant PDG de Big Industries, le géant des fleurs en plastique. J’ai promis à Pétasse, ma colocataire (ancienne pom-pom girl, végétarienne et folle des animaux, recyclée dans le journalisme universitaire – et néanmoins meilleure amie) que j’irai l’interviewer à sa place. Pétasse (une fausse blonde soit dit en passant) a attrapé une maladie équine (un truc qui vient d’un cheval, pas compris – et je veux même pas savoir comment cette dévergondée a pu attraper un truc pareil).
Non que je sois une nonne, j’ai une vie sexuelle très épanouie avec Charles (c’est le petit nom de mon canard vibrant). Et c’est vrai qu’un beau cheval, bien lustré, le poil soyeux, l’œil vif et coquin, et ses queues – l’une si douce et l’autre bien dure… mais je m’égare.
Je me dépêche de saisir mon sac et je passe en trombe devant Pétasse, affalée à moitié à poil sur son lit. Je fais semblant de pas voir les courbes affriolantes de ses fesses rebondies qui dépassent de sous les draps. Elle essaie de m’exciter la petite garce, je la hais.
– Atttteeennnndsss !
– Hein, qu’est-ce que tu veux ? Je suis à la bourre, merde !
Et là, elle se redresse, déployant ses gros seins qui tiennent parfaitement, ridiculisant les lois de la pesanteur. Ils m’ont toujours rendue verte de jalousie. Même si je prétends que je préfère mes petits seins tout mignons (genre plus c’est petit plus c’est beau !).
– N’oublie pas de lui poser les questions sur la feuille.
Je lui jette un regard furibond.
– C’est bon je sais lire, Pétasse.
– Oh, arrête de m’en vouloir, je suis malade. C’est pas de ma faute. Tu sais, c’est pas pour moi que tu fais ça, c’est pour la presse, le quatrième pouvoir.
– Le torchon de l’université ? Arrête, tu me fais rire.
Pétasse se retourne et se met à quatre pattes, ses fesses parfaites bien exposées à mon regard, pour attraper une boîte de mouchoirs sur sa commode. Je rougis malgré moi. J’essaie de regarder ailleurs et commence à siffloter nerveusement pour penser à autre chose. Elle se rassoit, se mouche et me lance d’un air mutin :
– Tu es méchante, tu dis ça parce que je suis la rédac’ chef et que ça me donne du pouvoir. Le pouvoir t’a toujours excitée, t’es jalouse ! D’ailleurs en parlant de pouvoir, je suis sure que tu pourras pas t’empêcher de faire de l’œil à Mr Big…
– N’importe quoi !
(Zut, elle a prononcé le mot magique, je commence à mouiller. Il est temps que je parte avant qu’elle se rende compte de mon excitation grandissante.)
Furieuse, je claque la porte – enfin j’essaie parce que c’est une de ces portes dotées d’un dispositif anti-claquement. Ça m’énerve à chaque fois. Putain, même pas possible de claquer une porte quand on est énervée ! Quel monde politiquement correct de merde !
Ça y est, je suis dans la décapotable rose fuchsia de Pétasse. Un petit coup d’œil dans le rétro. J’ai une mine affreuse. Et ce foutu épis… Heureusement, j’ai un foulard dans mon sac, l’arme absolue anti-cheveux rebelles. Je positionne soigneusement le foulard en contemplant le résultat dans le rétroviseur. Ça me donne un petit côté fifties. J’adore. J’attrape les lunettes de soleil de Pétasse dans la boite à gants. Comme ça, j’ai vraiment l’air d’une star qui tente de passer incognito ! C’est tout moi.
Je démarre, je cale. Je n’ai pas l’habitude de conduire avec des hauts talons. Je sens que ça va être comique, je vais encore me taper les regards outrés de tous ces conards qui prétendent que les femmes ne savent pas conduire.
Merde, encore calé.